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Le docteur ne passa que peu de temps en Forêt-Noire. Au bout de quelques jours, il prévint Himmler qu’il avait l’intention de retourner en Suède le 22 décembre. Pour expliquer ce départ précipité, il dit qu’il avait promis à sa femme de passer les fêtes de Noël en famille. En vérité, il voulait se concerter avec Gunther sur les mesures qui pourraient traduire les promesses de Himmler en actes concrets. Kersten savait qu’il faudrait pour cela beaucoup de négociations et longues et délicates. Il prévoyait l’hostilité sournoise de la Gestapo, les lenteurs bureaucratiques des organismes officiels. Chaque journée comptait. Chaque journée pouvait amener un revirement de la part du Reichsführer. Il fallait partir vite.
Non seulement Himmler ne montra aucune rancœur à Kersten pour sa hâte à le quitter, mais il lui prodigua les marques de son affection et de sa reconnaissance.
— Tout ce que je vous demande, dit-il, c’est de me téléphoner aussi souvent que possible. Votre priorité est maintenue.
Le docteur alla boucler ses bagages à Hartzwalde. Il y reçut une lettre qu’il dut relire pour en croire le contenu. En gage d’une amitié plus vive que jamais, le Reichsführer accordait à Kersten la liberté des trois Suédois qui avaient été condamnés à mort pour espionnage et dont la peine, grâce aux démarches du docteur, avait été commuée en détention à vie.
« Cher monsieur Kersten, ce sera mon petit présent de Noël, écrivait Himmler. Prenez ces hommes dans votre avion. »
Le 22 décembre 1944, Kersten s’envola pour Stockholm avec un « cadeau » comme peu d’hommes en ont jamais reçu.